Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/84

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sinées et dédaigneuses, inspirait le respect et la crainte, comme tous ceux qui naissent avec le goût de la domination et le don du commandement. Mais au lit du malade, il laissait voir de la sensibilité, presque de la tendresse ; on était ému à l’entendre alors prononcer de bienfaisantes paroles. Sa miséricorde rendait le courage à ceux que la douleur réduisait au désespoir ; j’ai souvent vu la physionomie des malades exprimer l’espérance et la joie, lorsque Dupuytren leur disait avec une confiance pleine de simplicité et de noblesse : « Je te guérirai ! » Dans le peuple, la mémoire de Dupuytren est restée vénérée.

Dupuytren était invariablement vêtu d’un habit vert, d’un gilet blanc et d’un pantalon bleu. Ce costume fut pour ainsi dire, pendant plusieurs années, un uniforme chirurgical. M. Marx, un des élèves préférés de Dupuytrcn, le porte encore.

La vie de Dupuytren était sobre, économe et régulière. Il n’aimait pas le faste ; il se montrait même peu recherché dans toutes ses habitudes et dans tous ses goûts.

Il a laissé la plus grande fortune qu’un chirurgien ait jamais pu acquérir en France, plus de quatre millions. Toutefois, il ne dut pas seulement ses richesses à une nombreuse clientèle. Dupuytren fut appelé à donner des soins au baron James de Rothschild, qui avait fait une chute de tilbury. Dupuytren eut à panser une plaie de tête assez grave, et surtout à prévenir de dangereux accidents ; il y réussit. Le grand financier, à son tour, mit tous ses soins à surveiller, à bien diriger et à accroître la fortune du grand chirurgien. Lorsque Charles X, en 1830, eut à quitter la France, le baron Dupuytren