Page:Vachet — Glossaire des gones de Lyon, 1907.pdf/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saire : la politique devient l’impolitique ; le député, l’indéputé ; le contraire, l’incontraire ; les commodités, les incommodités ; les capacités, les incapacités. Un bonhomme me disait un jour : « Je suis bien devenu caporal, mais je n’avais pas assez d’incapacités pour monter plus haut. » En revanche, inviter se dira éviter, et l’on aboutira à ceci : « Nous l’avons évité à dîner », ce qui ne semble pas tout à fait synonyme de : Nous l’avons invité.


Pour l’accent et la prononciation, il est difficile de donner une idée de cette tonalité chantante et traînarde. Ceux qui parlent vite à Lyon sont des exceptions, et la mélopée lyonnaise est caractéristique. Sur cent hommes qui parleront devant vous, un franc Lyonnais est reconnaissable entre tous, autant par le rythme de la phrase que par les mots du terroir qu’il emploie.

La prononciation lyonnaise, quand elle n’est pas réformée par l’éducation, est topique, elle aussi. Tous les a sont longs, comme s’ils avaient quatre ou cinq accents circonflexes : admirâââââble, agréâââââble, etc. Dans beaucoup de mots, la prononciation semble bannir l’effort et se simplifie : un escayer, pour un escalier ; un ateyer, pour un atelier, etc… Souvent on supprime l’accent aigu là où il existe, et l’on en ajoute un où il n’y en a pas : une devideuse, pour une dévideuse ; dépécer, pour dépecer, etc… Les syllabes en que ou les similaires sont prononcées avec un petit air de préciosité affectée : « J’ai porté un patiet au cintième j’en ai mal au tieur, pour paquet, cinquième, cœur, etc…

Aujourd’hui ce langage et cet accent ont presque complètement disparu ; on n’en trouve plus que quelques traces dans nos vieilles familles d’ouvriers en soie ; elles deviennent rares.

Le style, c’est l’homme ; la langue, c’est la race. Le style traduit les qualités de l’homme, la langue traduit les qualités de la race. Le grec est l’expression du génie harmonieux ; le latin, l’expression de la force ; le français dénote la clarté, la souplesse de l’esprit. L’idiome lyonnais, c’est l’expression de la bonhomie spirituelle, de la franche gaîté ; rien de malsonnant, rien de révolté ; il est honnête, franc, simpliste, un peu gouailleur, comme l’ouvrier qui le parle.