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Page:Vadé - Œuvres de Vadé, précédées d'une notice sur la vie et les oeuvres de Vadé - 1875.djvu/120

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quelqu’un qui ne se souciait guère, il l’exhorta à faire son profit de ce qu’il venait de lui prêcher.

« Crois-moi, ajouta-t-il, ne pense plus à ce coquin ; le voilà soldat, renonces-y : va-t-en dimanche à confesse et sois à l’avenir plus sage ; j’oublierai le passé. » Elle ne lui répondit pas un mot ; le grave sermoneur persuadé de l’efficacité de son sermon, la laissa penser aux moyens de rentrer dans la voie du salut. La silencieuse Babet, n’aspirant qu’à la consolation de savoir où était son amant, et instruite de son prochain départ pour l’armée, ne balance pas entre la tristesse de rester avec son oncle, et le charme de suivre un amant adoré ; faire une petite pacotille, la convertir en argent, partir avec courage, arriver enfin à Pontoise ne lui coûtèrent que six heures de temps. Ô pouvoir ! ô force des premières inclinations ; Babet court, demande, cherche, et trouve enfin son cher Félix ; il n’était plus joli, mais l’amour en était cause ; c’était au contraire un grain de beauté pour les yeux de la tendre Babet. Rassemblez ici toutes les reconnaissances des tragédies, des comédies larmoyantes et des romans ; joignez-y, si vous voulez, tout ce que vous êtes capables de sentir en de pareils instants, je vous défie d’approcher de cent lieues des transports de leur âme ; ils restèrent si longtemps serrés dans leurs mutuels embrassements, et les larmes avaient coulé si abondamment de leurs yeux, étant visage contre visage, que les paupières de Babet s’étaient collées à celles de Félix, de façon qu’on eut toutes les peines du monde à les détacher.

Les plaisirs tranquilles ne paraissaient pas faits pour eux ; Félix eut ordre le surlendemain de joindre le régiment ; Babet le suivit avec fermeté ; le plaisir d’être ensemble leur rendit la route moins pénible et moins longue.