Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/110

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Elles ont l’insistance de ces mouches, et le harcèlent. Celle-ci m’a piqué.

Phèdre

Et que dit la piqûre ?

Socrate

Elle ne cesse de m’exciter à divaguer sur les arts. Je les rapproche, je les distingue ; je veux entendre le chant des colonnes, et me figurer dans le ciel pur le monument d’une mélodie. Cette imagination me conduit très facilement à mettre d’un côté, la Musique et l’Architecture ; et de l’autre, les autres arts. Une peinture, cher Phèdre, ne couvre qu’une surface, comme un tableau ou un mur ; et là, elle feint des objets ou des personnages. La statuaire, mêmement, n’orne jamais qu’une portion de notre vue. Mais un temple, joint à ses abords, ou bien l’intérieur de ce temple, forme pour nous une sorte de grandeur complète dans laquelle nous vivons… Nous sommes, nous nous mouvons, nous vivons alors dans l’œuvre de l’homme ! Il n’est de partie de cette triple étendue qui ne fut étudiée, et réfléchie. Nous y respirons en quelque manière la volonté et les préférences de quelqu’un. Nous sommes pris et maîtrisés dans les