Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Socrate

L’esprit ne rejette pas si facilement une énigme. L’âme ne se remet pas au calme aussi simplement que la mer… Cette question qui venait de naître, ne manquant de subsides, ni de résonance, ni de loisir, ni d’espace, dans mon âme, commença de croître, et pendant des heures, m’exerça. J’avais beau respirer délicieusement, et laisser se réjouir mes regards des brillantes beautés de l’étendue, toutefois je me sentais le captif d’une pensée. Mes souvenirs l’alimentaient d’exemples, qu’elle essayait de tourner à son avantage. Je lui présentais mille choses, car je n’étais pas encore, en ce temps-là, si expert dans l’art de réfléchir et de me leurrer, que je pressentisse ce qu’il fallait et ce qu’il ne fallait pas exiger d’une vérité trop jeune encore, et trop délicate pour supporter toutes les rigueurs d’un long interrogatoire.

Phèdre

Voyons un peu cette vérité si fragile.

Socrate

Je n’ose guère t’en offrir l’amusement…

Phèdre

Mais c’est toi qui l’as proposé !