proie d’un monstre singulièrement avide. La bête qui s’abritait dans cette forte coquille, s’engraissait de toutes choses précises. Je ne sais combien de langages, de recettes, elle avait digérés ! Combien de sagesses variées elle avait changées en une substance choisie ! Elle avait sucé tant d’autres cervelles ! Je l’imaginais entourée des débris et des coques vides de mille esprits épuisés !
Mais tu me peins un poulpe !
Mais un poulpe qui interroge les eaux peuplées, choisit, bondit, brandissant ses fouets dans l’épaisseur de l’onde, et qui vertigineusement s’empare de ce qui lui convient, n’est-il pas un vivant cent fois plus vivant que l’immobile éponge ? Combien d’éponges nous avons connues, collées à jamais sous un portique d’Athènes, absorbant et restituant sans effort toutes les opinions fluctuantes autour d’elles ; éponges de paroles baignées, imbues indifféremment de Socrate, d’Anaxagore, de Mélittos, du dernier qui a parlé !… Les éponges et les sots ont ceci de commun qu’ils adhèrent, ô Socrate !