Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

convenir ! — Nous voulons très exactement que les Cieux innombrables, et que la terre, et que la mer, et que les cités ; et que les hommes aussi, et les femmes particulièrement ; et leurs âmes, et leurs forces, et leurs grâces ; et que les animaux comme les plantes ; — et même nous voulons naïvement que les Dieux, — ne soient tous ensemble, et chacun selon sa beauté qui s’adapte à notre désir, ou selon sa puissance qu’il apporte à notre faiblesse — ne soient donc que les aliments, les ornements, les condiments, les appuis, les ressources, les lumières, les esclaves, les trésors, les remparts et les délices de notre seul individu ! Comme si notre seule flamme, et cette durée absolue si brève, qui est la sienne, valussent de consumer tout ce qui fut, tout ce qui est et tout ce qui sera, pour qu’elle jette l’éclat unique, et une fois apparu, de toute jouissance et de tout savoir, relativement à l’être même qu’elle anime et qu’elle dévore !… Nous croyons que toutes les choses, et que toute l’opulence du Temps, ne sont qu’une bouchée pour notre bouche, et nous ne pouvons penser le contraire.

Phèdre

Tu m’éblouis et tu me consternes !

Socrate

Tu ne sais pas ce que je vois maintenant que