Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/183

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Phèdre

Il ne faut pas vouloir recommencer… On ne réussit pas deux fois…

Socrate

Ne sois pas plus amer.

Phèdre

Je t’avoue que tes paroles ont quelque peu piqué mon amitié. Tu comprends bien que si tu t’abaisses toi-même, et que si tu ravales Socrate, Phèdre qui s’est donné à lui si pieusement, Phèdre se voit réduit à l’extrême de la sottise, et de la plus aveugle simplicité !

Socrate

Hélas ! c’est notre état ! Mais j’essaye d’en tirer quelque chose. Ne crois-tu pas que nous devions maintenant employer cet immense loisir que la mort nous abandonne, à nous juger nous-mêmes, et à nous rejuger infatigablement, reprenant, corrigeant, essayant d’autres réponses aux événements qui sont arrivés ; et cherchant, en somme, à nous défendre de l’inexistence par des illusions, comme font les vivants de leur existence ?