Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/70

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sommes trop simplifiés maintenant pour ne pas subir jusqu’au bout le mouvement de quelque idée. Les vivants ont un corps qui leur permet de sortir de la connaissance et d’y rentrer. Ils sont faits d’une maison et d’une abeille.

Phèdre

Merveilleux Socrate, je me tais.

Socrate

Je te remercie de ton silence. L’observant, tu fis aux dieux et à ma pensée le sacrifice le plus dur. Tu as consumé ta curiosité, et immolé ton impatience à mon âme. Parle maintenant librement, et si quelque désir te reste de m’interroger, je suis prêt à répondre, ayant achevé de me questionner et de me répondre à moi-même. — Mais il est rare qu’une question que l’on a réprimée ne se soit pas dévorée elle-même dans l’instant.

Phèdre

Pourquoi donc cet exil ? Que fais-tu, séparé de nous tous ? Alcibiade, Zénon, Ménéxène, Lysis, tous nos amis sont étonnés de ne pas te voir. Ils parlent sans but, et leurs ombres bourdonnent.