Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/135

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La parure des femmes et la variation de cette parure ; la production des romans et des comédies ; les arts divers qui tendent au raffinement des plaisirs fondamentaux de l’espèce, tout ceci lui est communément et facilement attribué.

Mais il faut y regarder plus attentivement et chercher un peu plus à fond le caractère essentiel de cet illustre Paris.

Il est d’abord à mes yeux la ville la plus complète qui soit au monde, car je n’en vois point où la diversité des occupations, des industries, des fonctions, des produits et des idées soit plus riche et mêlée qu’ici.

Être à soi seule la capitale politique, littéraire, scientifique, financière, commerciale, voluptuaire et somptuaire d’un grand pays ; en représenter toute l’histoire ; en absorber et en concentrer toute la substance pensante aussi bien que tout le crédit et presque toutes les facultés et disponibilités d’argent, et tout ceci, bon et mauvais pour la nation qu’elle couronne, c’est par quoi se distingue entre toutes les villes géantes, la Ville de Paris. Les conséquences, les immenses avantages, les inconvénients, les graves dangers de cette concentration sont aisés à imaginer.

Ce rapprochement si remarquable d’êtres diversement inquiets, d’intérêts tout différents entre eux qui s’entrecroisent, de recherches qui se poursuivent dans le même air qui, s’ignorant, ne peuvent toutefois qu’elles ne se modifient l’une l’autre par influence ; ces mélanges précoces de jeunes hommes dans leurs cafés, ces combinaisons fortuites et ces reconnaissances tardives d’hommes mûrs et parvenus dans les salons, le jeu beaucoup plus facile et accéléré qu’ailleurs des individus dans l’édifice social, suggèrent une image de Paris toute psychologique.

Paris fait songer à je ne sais quel grossissement d’un organe