Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/34

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de puissance. La lutte pour des concessions ou pour des emprunts, pour introduire des machines ou des praticiens, pour créer des écoles ou des arsenaux, — lutte qui n’est autre chose que le transport à longue distance des dissensions occidentales, — entraîne fatalement le retour de l’Europe au rang secondaire que lui assignent ses dimensions, et duquel les travaux et les échanges internes de son esprit l’avaient tirée. L’Europe n’aura pas eu la politique de sa pensée.

Il est inutile de se représenter des événements violents, de gigantesques guerres, des interventions à la Témoudjine, comme conséquences de cette conduite puérile et désordonnée. Il suffit d’imaginer le pire. Considérez un peu ce qu’il adviendra de l’Europe quand il existera par ses soins en Asie, deux douzaines de Creusot ou d’Essen, de Manchester ou de Roubaix, quand l’acier, la soie, le papier, les produits chimiques, les étoffes, la céramique et le reste y seront produits en quantités écrasantes, à des prix invincibles, par une population qui est la plus sobre et la plus nombreuse du monde, favorisée dans son accroissement par l’introduction des pratiques de l’hygiène.

Telles furent mes réflexions très simples devant mon atlas, quand les deux conflits dont j’ai parlé, et d’autre part, l’occasion de la petite étude que j’ai dû faire à cette époque sur le développement méthodique de l’Allemagne, m’eurent induit à ces questions.

Les grandes choses survenues depuis lors ne m’ont pas contraint de modifier ces idées élémentaires qui ne dépendaient que de consta-