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LE BILAN DE L’INTELLIGENCE[1]

Il y a un peu plus de deux ans, à cette même place, j’ai eu l’honneur de vous entretenir de ce que j’appelais La Politique de l’Esprit. Il vous souvient peut-être que, sous ce titre, (qui n’est pas particulièrement précis), je m’inquiétais de l’état actuel des choses de ce monde et j’interrogeais les faits dont nous sommes les témoins et les agents, en me préoccupant, non tant de leur caractère politique ou économique, que de l’état dans lequel ils mettent les choses de l’esprit. J’ai insisté, (peut-être trop longuement), sur cet état critique, et je vous disais en substance qu’un désordre dont on ne peut imaginer le terme s’observe à présent dans tous les domaines. Nous le trouvons autour de nous comme en nous-mêmes, dans nos journées, dans notre allure, dans les journaux, dans nos plaisirs, et jusque dans notre savoir. L’interruption, l’incohérence, la surprise, sont des conditions ordinaires de notre vie. Elles sont mêmes devenues de véritables

  1. Conférence donnée A l’Université des Annales le 16 janvier 1935.