Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 11, 1939.djvu/127

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Je ne veux et je ne puis aller plus loin dans cette observation, et je me borne à poser la question qui m’importe ici, question à laquelle l’avenir seul peut répondre :

— Qu’en résultera-t-il pour la valeur de la culture ? Que deviendront l’indépendance des esprits, celle des recherches, et surtout celle des sentiments ? Que deviendra la liberté de l’intelligence ?

Laissons cela, mais revenons à la France et considérons un peu notre système d’éducation et d’enseignement.

Je suis bien obligé de constater que ce système, ou plutôt ce qui en tient lieu, (car, après tout, je ne sais pas si nous avons un système, ou si ce que nous avons peut se nommer système), je suis obligé de constater que notre enseignement participe de l’incertitude générale, du désordre de notre temps. Et même il reproduit si exactement cet état chaotique, cet état de confusion, d’incohérence si remarquable, qu’il suffirait d’observer nos programmes et nos objectifs d’études pour reconstituer l’état mental de notre époque et retrouver tous les traits de notre doute et de nos fluctuations sur toute valeur. Notre enseignement n’est pas, comme dans les pays dont je viens de parler, nettement dominé par une politique. Il est mêlé de politique, ce qui est fort différent ; et il est mêlé de politique de manière irrégulière et inconstante. On peut dire qu’il est libre, mais comme nous-mêmes sommes libres, d’une liberté tempérée à chaque instant par la crainte de ses excès, mais ravivée, dès l’instant suivant, par la crainte de l’excès contraire. À peine sommes-nous rassurés par