Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 11, 1939.djvu/141

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VILLON ET VERLAINE*

Rien de plus facile, et qui ait paru naguère plus naturel, que de rapprocher les noms de François Villon et de Paul Verlaine. Ce n’est qu’un jeu pour l’amateur de symétries historiques, c’est-à-dire imaginaires, que de démontrer que ces deux figures littéraires sont des figures semblables. L’un et l’autre, admirables poètes ; l’un et l’autre, mauvais garçons ; l’un et l’autre, mêlant dans leurs ouvrages l’expression des sentiments les plus pieux aux peintures et aux propos les plus libres, passant de l’un à l’autre ton avec une aisance extraordinaire ; l’un et l’autre, véritablement maîtres de leur art et de la langue de leur temps, dont ils usent en hommes qui joignent à la culture le sens immédiat du langage vivant, de la voix même du peuple qui les entoure, et qui crée, altère, combine à sa guise les mots et les formes. L’un et l’autre savent assez de latin et beaucoup d’argot, fréquentent, selon l’humeur, les églises ou les tavernes ; et tous 4 Conférence donnée à l’Université des Annales le 12 janvier 1937.