Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 2, 1931.djvu/58

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quelque sorte, et m’imprime ses forces, j’ai l’impression que je suis substituée à cet objet de sa volonté qu’il vient de perdre. Je suis comme le jouet d’une connaissance musculeuse. Je vous le dis comme je puis. La vérité qu’il attendait a pris ma force et ma résistance vivante ; et par une transposition toute ineffable, ses volontés intérieures passent, se déchargent dans ses mains dures et déterminées. Ce sont des moments bien difficiles. Alors, que faire ! Je me réfugie dans mon cœur, où je l’aime comme je veux.

Quant à ses sentiments à mon égard, quant à l’opinion qu’il peut avoir de moi-même, ce sont choses que j’ignore, comme j’ignore de lui tout ce qui ne se voit ni ne s’entend. Je vous ai dit tout à l’heure mes suppositions ; mais je ne sais véritablement en quelles pensées ou combinaisons il passe tant d’heures. Moi, je me tiens à la surface de la vie ; je m’abandonne au fl des jours. Je me dis que je suis la servante de l’instant incompréhensible où mon mariage s’est décidé comme de soi-même. Instant peut-être adorable, peut-être surnaturel ?

Je ne puis pas dire que je sois aimée. Sachez que ce mot d’amour si incertain dans son sens ordinaire et qui hésite entre bien des images différentes, ne vaut plus rien du tout s’il s’agit des rapports du