Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 2, 1931.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE RICHE D’ESPRIT

Cet homme avait en soi de telles possessions, de telles perspectives ; il était fait de tant d’années de lectures, de réfutations, de méditations, de combinaisons internes, d’observations ; de telles ramifications, que ses réponses étaient difficiles à prévoir ; qu’il ignorait lui-même à quoi il aboutirait, quel aspect le frapperait enfin, quel sentiment prévaudrait en lui, quels crochets et quelle simplification inattendue se feraient, quel désir naîtrait, quelle riposte, quels éclairages !..

Peut-être était-il parvenu à cet étrange état de ne pouvoir regarder sa propre décision ou réponse intérieure, que sous l’aspect d’un expédient, sachant bien que le développement de son attention serait infini et que l’idée d’en finir n’a plus aucun sens, dans un esprit qui se connaît assez. Il était au degré de civilisation intérieure où la conscience ne souffre plus d’opinions qu’elle ne les accompagne de leur cortège de modalités, et qu’elle ne se repose, (si c’est là se reposer) que dans le sentiment de ses prodiges, de ses exercices, de ses substitutions, de ses précisions innombrables.

… Dans sa tête où derrière les yeux fermés se