Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 3, 1933.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jusque dans les secrets que je crains de savoir,
Jusque dans le repli de l’amour de soi-même,
Rien ne peut échapper au silence du soir…
La nuit vient sur ma chair lui souffler que je l’aime.
Sa voix fraîche à mes vœux tremble de consentir ;
À peine, dans la brise, elle semble mentir,
Tant le frémissement de son temple tacite
Conspire au spacieux silence d’un tel site.

    Ô douceur de survivre à la force du jour,
Quand elle se retire enfin rose d’amour,
Encore un peu brûlante, et lasse, mais comblée,
Et de tant de trésors tendrement accablée
Par de tels souvenirs qu’ils empourprent sa mort,
Et qu’ils la font heureuse agenouiller dans l’or,
Puis s’étendre, se fondre, et perdre sa vendange,
Et s’éteindre en un songe en qui le soir se change.
    Quelle perte en soi-même offre un si calme lieu !
L’âme, jusqu’à périr, s’y penche pour un Dieu
Qu’elle demande à l’onde, onde déserte, et digne
Sur son lustre, du lisse effacement d’un cygne…
    À cette onde jamais ne burent les troupeaux !
D’autres, ici perdus, trouveraient le repos,
Et dans la sombre terre, un clair tombeau qui s’ouvre…
Mais ce n’est pas le calme, hélas ! que j’y découvre !