Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 3, 1933.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III

… Ce corps si pur, sait-il qu’il me puisse séduire ?
De quelle profondeur songes-tu de m’instruire,
Habitant de l’abîme, hôte si précieux
D’un ciel sombre ici-bas précipité des cieux ?…
    Ô le frais ornement de ma triste tendance
Qu’un sourire si proche, et plein de confidence,
Et qui prête à ma lèvre une ombre de danger
Jusqu’à me faire craindre un désir étranger !
Quel souffle vient à l’onde offrir ta froide rose !…
J’aime… J’aime !… Et qui donc peut aimer autre chose
Que soi-même ?…
Que soi-même ?… Toi seul, ô mon corps, mon cher corps,
Je t’aime, unique objet qui me défends des morts !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Formons, toi sur ma lèvre, et moi, dans mon silence,
Une prière aux dieux qu’émus de tant d’amour
Sur sa pente de pourpre ils arrêtent le jour !…
Faites, Maîtres heureux, Pères des justes fraudes,
Dites qu’une lueur de rose ou d’émeraudes