Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 3, 1933.djvu/206

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les êtres, les choses, s’ils ressemblent à ceux qui peuplent le monde ordinaire, sont, d’autre part, dans une relation inexplicable, mais intime, avec l’ensemble de notre sensibilité). Les objets et les êtres connus sont en quelque sorte — qu’on me pardonne l’expression, musicalisés ; ils sont devenus résonnants l’un par l’autre, et comme accordés avec notre propre sensibilité. Le monde poétique ainsi défini soutient de grandes ressemblances avec l’état de rêve, du moins avec l’état produit dans certains rêves. Le rêve nous fait comprendre, quand nous revenons sur lui par la mémoire, que notre conscience peut être éveillée ou emplie, et satisfaite, par un ensemble de productions, remarquablement différentes dans leurs lois, des productions ordinaires de la perception. Mais ce monde émotif que nous pouvons connaître parfois par le rêve, il n’est pas au pouvoir de notre volonté d’y pénétrer ou d’en sortir à notre gré. Il est enfermé en nous et nous sommes enfermés en lut, ce qui signifie que nous n’avons aucun moyen d'agir sur lui pour le modifier, et qu’en revanche il ne peut coexister avec notre plus grande puissance d’action sur le monde extérieur. 11 paraît et disparaît capricieusement, mais l’homme a fait pour ceci ce qu’il a fait ou tenté de faire pour toutes les choses précieuses et périssables :