Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 3, 1933.djvu/32

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NARCISSE PARLE Narcissæ placandis manihus O frères ! tristes lys, je languis de beauté Pour m’être désiré dans votre nudité, Et vers vous, Nymphe, Nymphe, ô Nymphe des fontaines, Je viens au pur silence offrir mes larmes vaines. Un grand calme m’écoute, où j’écoute l’espoir. La voix des sources change et me parle du soir ; J’entends l’herbe d’argent grandir dans l’ombre sainte, Et la lune perfide élève son miroir Jusque dans les secrets de la fontaine éteinte. Et moi ! De tout mon cœur dans ces roseaux jeté, Je languis, ô saphir, par ma triste beauté ! Je ne sais plus aimer que l’eau magicienne Où j’oubliai le rire et la rose ancienne. Que je déplore ton éclat fatal et pur, Si mollement de moi fontaine environnée, Où puisèrent mes yeux dans un mortel azur Mon image de fleurs humides couronnée !