Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 3, 1933.djvu/41

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O Soir, tu viens épandre un délice tranquille,
Horizon des sommeils, stupeur des cœurs pieux,
Persuasive approche, insidieux reptile,
Et rose que respire un mortel immobile
Dont l’œil doré s’engage aux promesses des cieux !



Sur tes ardents autels son regard favorable
Brûle, l’âme distraite, un passé précieux.
Il adore dans l’or qui se rend adorable
Bâtir d’une vapeur un temple mémorable,
Suspendre au sombre éther son risque et son récif,
Et vole, ivre des feux d’un triomphe passif,
Sur l’abîme aux ponts d’or rejoindre la Fortune ;
— Tandis qu’aux bords lointains du Théâtre pensif,
Sous un masque léger glisse la mince lune...



...Ce vin bu, l’homme bâille, et brise le flacon.
Aux merveilles du vide il garde une rancune ;
Mais le charme du soir fume sur le balcon
Une confusion de femme et de flocon...