Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 7, 1937.djvu/137

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Quant au clergé…

Le clergé, pour Stendhal, est un excitant de prédilection. Tantôt Stendhal narquois peint un évêque qui se mire, un Narcisse mitré qui s’essaie à bénir noblement et moelleusement devant une glace de sacristie ; tantôt Stendhal brutal accuse la fourbe ou bafoue la sottise dans l’ecclésiastique. Voltaire même n’a pas si crûment considéré le sacerdoce. Il ne s’est pas risqué dans le cœur même du prêtre pour y chercher ce qu’il aurait déjà trouvé, — le mensonge ou la plus niaise crédulité, que, l’un ou l’autre, Beyle y découvre toujours. Hormis le bon Blanès, abbé astrologue, libéral et sorcier, quelque peu hérétique, on ne voit de prêtre dans Beyle qui ne soit, et puisse ne pas être, un hypocrite, ou un niais[1]. Point d'exception. Point de milieu. On ne peut concevoir un troisième cas, une combinaison non défavorable, ni immorale, ni absurde, de l’homme et de l’Ordre.


Le problème existe. Il y a un mystère du prêtre aux yeux de l’indifférent en matière de religion. Le problème existe, précisément lié à l’existence de ces observateurs extérieurs à la religion. L’incrédule intelligent tient nécessairement le prêtre pour une énigme, pour un monstre, mi-homme, mi-ange, dont il s’étonne, dont il sourit, dont il s’inquiète assez souvent. Il se demande : Comment peut-on être prêtre ?

  1. M. Paul Arbelet me fait observer que l’abbé Chélan, dans le « Rouge », et l’abbé Pirard doivent se ranger avec Blanès parmi les prêtres de Stendhal qui ne manquent ni de foi ni d’esprit.