Page:Valéry - Album de vers anciens, 1920.djvu/35

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Monte, ô Sémiramis, maîtresse d’une spire
Qui d’un cœur sans amour s’élance au seul honneur !
Ton œil impérial a soif du grand empire
À qui ton sceptre dur fait sentir le bonheur…

Ose l’abîme !… Passe un dernier pont de roses !
Je t’approche, péril !… Orgueil plus irrité !
Ces fourmis sont à moi ! Ces villes sont mes choses,
Ces chemins sont les traits de mon autorité !

C’est une vaste peau fauve que mon royaume !
J’ai tué le lion qui portait cette peau ;
Mais encor le fumet du féroce fantôme
Flotte chargé de mort, et garde mon troupeau !

Enfin, j’offre au soleil le secret de mes charmes !
Jamais il n’a doré de seuil si gracieux !
De ma fragilité je goûte les alarmes
Entre le double appel de la terre et des cieux !

Repas de ma puissance, intelligible orgie,
Quel parvis vaporeux de toits et de forêts
Place aux pieds de la pure et divine vigie,
Ce calme éloignement d’événements secrets !