Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/102

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grande demandée à la figuration des modes de l’énergie, la volonté de voir, et ce qu’on pourrait appeler la manie cinétique, ont fait apparaître des constructions hypothétiques d’un intérêt logique et psychologique immense. Pour lord Kelvin, par exemple, le besoin d’exprimer les plus subtiles actions naturelles par une liaison mentale, poussée jusqu’à pouvoir se réaliser matériellement, est si vif que toute explication lui paraît devoir aboutir à un modèle mécanique. Un tel esprit substitue à l’atome inerte, ponctuel, et démodé de Boscovitch et des physiciens du commencement de ce siècle, un mécanisme déjà extraordinairement complexe, pris dans la trame de l’éther, qui devient lui-même une construction assez perfectionnée pour satisfaire aux très diverses conditions qu’elle doit remplir. Cet esprit ne fait aucun effort pour passer de l’architecture cristalline à celle de pierre ou de fer ; il retrouve dans nos viaducs, dans les symétries des trabes et des entretoises, les symétries de résistance que les gypses et les quartz offrent à la compression, au clivage, — ou, différemment, au trajet de l’onde lumineuse.

De tels hommes nous paraissent avoir eu l’intuition des méthodes que nous avons indiquées ; nous nous permettons même d’étendre ces méthodes au