Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/59

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à son rôle purement verbal. Car l’analogie n’est précisément que la faculté de varier les images, de les combiner, de faire coexister la partie de l’une avec la partie de l’autre et d’apercevoir, volontairement ou non, la liaison de leurs structures. Et cela rend indescriptible l’esprit, qui est leur lieu. Les paroles y perdent leur vertu. Là, elles se forment, elles jaillissent devant ses yeux : c’est lui qui nous décrit les mots.

L’homme emporte ainsi des visions, dont la puissance fait la sienne. Il y rapporte son histoire. Elles en sont le lien géométrique. De là tombent ces décisions qui étonnent, ces perspectives, ces divinations foudroyantes, ces justesses du jugement, ces illuminations, ces incompréhensibles inquiétudes, et des sottises. On se demande avec stupéfaction, dans certains cas extraordinaires, en invoquant des dieux abstraits, le génie, l’inspiration, mille autres, d’où viennent ces accidents. Une fois de plus on croit qu’il s’est créé quelque chose, car on adore le mystère et le merveilleux autant qu’on ignore les coulisses ; on traite la logique de miracle, mais l’inspiré était prêt depuis un an. Il était mûr. Il y avait pensé toujours — peut-être sans s’en douter — et où les autres étaient encore à ne pas voir, il avait regardé,