Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/62

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toutes du même système. La conscience des pensées que l’on a, en tant que ce sont des pensées, est de reconnaître cette sorte d’égalité ou d’homogénéité ; de sentir que toutes les combinaisons de la sorte sont légitimes, naturelles, et que la méthode consiste à les exciter, à les voir avec précision, à chercher ce qu’elles impliquent.

À un point de cette observation ou de cette double vie mentale, qui réduit la pensée ordinaire à être le rêve d’un dormeur éveillé, il apparaît que la série de ce rêve, la nue de combinaisons, de contrastes, de perceptions, qui se groupe autour d’une recherche ou qui file indéterminée, selon le plaisir, se développe avec une régularité perceptible, une continuité évidente de machine. L’idée surgit alors (ou le désir) de précipiter le cours de cette suite, d’en porter les termes à leur limite, à celle de leurs expressions imaginables, après laquelle tout sera changé. Et si ce mode d’être conscient devient habituel, on en viendra, par exemple, à examiner d’emblée tous les résultats possibles d’un acte envisagé, tous les rapports d’un objet conçu, pour arriver de suite à s’en défaire, à la faculté de deviner toujours une chose plus intense ou plus exacte que la chose donnée, au pouvoir de se réveiller hors d’une pensée