Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/83

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qu’il y est enfermé : on invoque la variété des méthodes, la quantité des détails, l’addition continuelle de faits et de théories, pour n’aboutir qu’à confondre l’observateur patient, le comptable méticuleux de ce qui est, l’individu qui se réduit, non sans mérite — si ce mot a un sens ! — aux habitudes minutieuses d’un instrument, avec celui pour qui ce travail est fait, le poète de l’hypothèse, l’édificateur de matériaux analytiques. Au premier, la patience, la direction monotone, la spécialité et tout le temps. L’absence de pensée est sa qualité. Mais l’autre doit circuler au travers des séparations et des cloisonnements. Son rôle est de les enfreindre. Je voudrais suggérer ici une analogie de la spécialité avec ces états de stupéfaction dus à une sensation prolongée, auxquels j’ai fait allusion. Mais, le meilleur argument est que, neuf fois sur dix, toute grande nouveauté dans un ordre est obtenue par l’intrusion de moyens et de notions qui n’y étaient pas prévus ; venant d’attribuer ces progrès à la formation d’images, puis de langages, nous ne pouvons éluder cette conséquence que la quantité de ces langages possédée par un homme, influe singulièrement sur le nombre des chances qu’il peut avoir d’en trouver de nouveaux. Il serait facile de montrer que tous les esprits