Page:Valéry - Regards sur le monde actuel, 1931.djvu/147

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Une très grande ville a besoin du reste du monde, s’alimente comme une flamme aux dépens d’un territoire et d’un peuple dont elle consume et change en esprit, en paroles, en nouveautés, en actes et en œuvres les trésors muets et les réserves profondes. Elle rend vif, ardent, brillant, bref et actif ce qui dormait, couvait, s’amassait, mûrissait ou se décomposait sans éclat dans l’étendue vague et semblable à elle-même d’une vaste contrée. Les terres habitées se forment ainsi des manières de glandes, organes qui élaborent ce qu’il faut aux hommes de plus exquis, de plus violent, de plus vain, de plus abstrait, de plus excitant, de moins nécessaire à l’existence élémentaire ; quoique indispensable à l’édification d’êtres supé-