Page:Valéry - Regards sur le monde actuel, 1931.djvu/169

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étrangers ; et ils l’étaient, car ils n’avaient aucun besoin les uns des autres. Nous n’étions, en toute rigueur, que des bêtes curieuses les uns pour les autres, et si nous étions contraints de nous concéder mutuellement certaines vertus, ou quelque supériorité sur certains points, ce n’était guère plus que ce que nous faisons quand nous reconnaissons à tels ou à tels animaux une vigueur ou une agilité ou une industrie que nous n’avons pas.

C’est que nous ne nous connaissions, et ne nous connaissons encore, que par des actes de commerce, de guerre, de politique temporelle ou spirituelle, toutes relations auxquelles sont essentiels la notion d’adversaire et le mépris de l’adversaire.

Ce genre de rapports est nécessairement superficiel. Non seulement il s’accorde avec une parfaite ignorance de l’intime des êtres, mais encore il l’exige : il serait bien pénible et presque impossible