Page:Valéry - Regards sur le monde actuel, 1931.djvu/209

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moins encore par l’intention ; mais pour être ce que nous sommes, et pour avoir ce que nous avons.

Mais comment, sans avoir perdu l’esprit, peut-on songer encore à la guerre, entretenir quelque illusion sur ses effets, et penser à lui demander ce que la paix ne peut obtenir ?

Ne parlons que raison. Une guerre jadis pouvait, après tout, se justifier par ses résultats. Elle pouvait se considérer, quoique d’un œil atroce, comme le passage, par la voie des armes, d’une situation définie à une situation définie. Elle pouvait faire l’objet d’un calcul. Elle était entre deux partis une affaire qui se réglait entre deux armées. Le débat était limité ; les pièces du jeu, dénombrables ; et le vainqueur enfin prenait son gain, s’agrandissait, s’enrichissait, jouissait longtemps de son avantage.

Mais l’univers politique a bien changé ; et la froide raison qui, dans le passé, pou-