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Page:Valéry - Variété IV, 1948.djvu/271

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parler, et dont il n’est pas démontré, d’ailleurs, que l’on puisse parler. Toutefois elle fut incontestablement créatrice, Qu’il s’agisse des règles du théâtre, de celles de la poésie, des canons de l’architecture, de la section d’or, la volonté de dégager une Science de l’art, ou du moins, d’instituer des mé­thodes, et, en quelque sorte, d’organiser un terrain conquis, ou que l’on croit définitivement conquis, elle a séduit les plus grands philosophes. C’est pour­quoi il m’est arrivé naguère de confondre ces deux races, et cet égarement n’a pas été sans me valoir quelques reproches assez sévères. J’ai cru voir dans Léonard un penseur ; dans Spinoza, une manière de poète ou d’architecte, Je me suis sans doute trompé. Il me semblait cependant que la forme d’expres­sion extérieure d’un être fût parfois moins importante que la nature de son désir et le mode d’enchaînement de ses pensées.

Quoi qu’il en soit, je n’ai pas besoin d’ajouter que je n’ai pas trouvé la définition que je cherchais. Je ne hais pas ce résultat négatif. Si j’eusse trouvé cette bonne définition, il eût pu m’arriver d’être tenté de nier l’existence d’un objet qui lui corresponde, et de prétendre que l’Esthétique n’existe pas. Mais ce qui est indéfinissable n’est pas nécessairement niable. Personne, que je sache, ne s’est flatté de définir les Mathématiques, et personne ne doute de leur existence. Quelques-uns se sont essayés à définir la vie ; mais le succès de leur effort fut toujours assez vain : la vie n’en est pas moins.

L’Esthétique existe ; et même il y a des esthéticiens. Je vais, en terminant, leur proposer quelques idées ou suggestions, qu’ils voudront bien tenir