aperçus sur la société anglo-indienne en empruntant ici à un témoin oculaire, le colonel Sleeman, les détails d’un suttee. Outre l’intérêt qui s’attache naturellement à cette pratique extrême de dévouement conjugal, le récit du colonel Sleeman atteste la résistance ; inerte et obstinée que les natifs de l’Inde opposent invariablement aux mesures de répression les plus énergiques et les plus justifiées.
Le colonel Sleeman, se trouvant en novembre 1829 à la tête du district de Jubbulpore, reçut une pétition signée par les chefs d’une des familles brahmes les plus importantes de la contrée, dans laquelle il lui était demandé de permettre que la veuve d’un de leurs parents, mort la veille au bord du fleuve Nerbudda, prît place sur le bûcher destiné à brûler le corps de son mari. À cette demande, le colonel opposa un refus formel, et prit des mesures de police pour empêcher l’accomplissement de l’acte homicide. Le corps du défunt fut, en effet, seul brûlé au bord de la rivière, en présence de plusieurs milliers d’individus accourus, à la nouvelle du suttee projeté, des diverses parties du district. La cérémonie funéraire achevée, la veuve, une vieille femme de soixante-cinq ans, demeura auprès du bûcher, entourée seulement d’une partie de sa famille, dont les autres membres se rendirent auprès du colonel pour renouveler leurs sollicitations. Depuis quarante-huit heures le mari était mort, et la veuve, fixée à la même place, refusait toute nourriture, lorsqu’elle se couvrit la tête du turban rouge, ou dhujja, et brisa ses