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LES ANGLAIS ET L’INDE

certains petits faits, insignifiants en eux-mêmes, mais dont en somme il faut tenir compte, ont servi à attiser les passions populaires contre le service civil de l’Inde. On peut citer notamment les iniquités scandaleuses qui furent la base de quelques fortunes faites aux premiers jours de la conquête, et les allures excen triques de certains Anglo-Indiens revenus en Angleterre aux trois quarts nababisés. Après une trentaine d’années passées au milieu de districts sauvages, sans contact aucun avec la société européenne, dans l’exercice d’un pouvoir absolu, le membre du service civil, rentré dans sa patrie vieux et infirme, ne pouvait dépouiller des airs de dignité officielle, des instincts d’autorité suprême, devenus pour lui une seconde nature. Sous le malade retiré aux bains de Cheltenham ou l’habitant d’un modeste cottage des environs de Londres se retrouvait toujours le don Magnifico des bords heureux du Gange, le tout-puissant Howdab, esqre, agent diplomatique près le nabab de Hattirabad, ou le non moins tout-puissant Currie, esqre, collecteur du district de Mourgiepore. Ainsi le roman, ce reflet souvent exact des idées et des passions populaires, n’a-t-il jamais représenté l’officier retraité du service civil anglo-indien que sous les espèces d’un squelette artistement revêtu de parchemin, au visage de safran, quinteux, hargneux, maniaque, se nourrissant de toute sorte de mets impossibles, — ici avec un foie gigantesque, là sans foie du tout, — et si les auteurs ont rendu ce disgracieux personnage bon à quelque chose, cela n’a jamais été qu’à doter