Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/100

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intacte. C’est un outil qu’il me faut conserver pur et tranchant comme une lame neuve.

Landriot a ricané de nouveau.

— Ta pro-bi-té ? Tu en crèveras, comme moi de ma phtisie. Seulement, il faudra peut-être qu’ils te tuent, parce que, toi, tu es solide… Mais si tu te figures que tu vas manger ton saoul de par les dictionnaires, et avoir ton chalumeau de paille et ton droit au vin sur le radeau de Lachâtre ou de Larousse, il faut en rabattre, mon fiston ! Moins qu’avant, je te dis ! Ils se tiennent comme les doigts du pied, les libérâtres, et tu as marché, avec tes sabots, sur leurs bottines. En quarantaine ! au Lazaret !… Ah ! il te reste une chance, néanmoins, celle de devenir poitrinaire aussi. Alors, ils te feront peut-être la charité de te donner à rédiger des mots ayant rapport à ton mal. Et même, la veille de ton agonie, ils t’augmenteront, parce que tu n’auras eu qu’à coller, sur la page blanche, ton mouchoir plein de sang, pour décrire une pneumonie, comme Apelles, ce vieux birbe, peignit la rage !… Tiens ! quand on ne croit ni à Dieu, ni à diable, on devrait se faire prêtre ! On a au moins des hosties à manger ! Toi, imbécile, tu es l’hostie qu’on mange !


Heureusement, j’ai mon ardoise chez Laveur, le père nourricier de quelques vilains jeunes, comme moi, et de quelques beaux vieux, comme Toussenel et Considérant.