Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/122

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cendre sur cette tête jeune, faner ce visage tendre, et le griffer de ces rides fines comme des fils de soie.


Elle a à peine répondu au bonjour banal de son mari, et m’a accueilli presque avec douleur.

Je lui ai parlé de son père, cette fameuse Jambe de bois qui eut sa minute de résonnance dans l’histoire intime des événements de Février.

— Oui, je suis la fille de Pornin. Mon père était un honnête homme !

Elle a répété cela plusieurs fois : « un honnête homme ! » l’œil baissé, serrant ses petits bras sur sa poitrine, écartant sa chaise, me semblait-il, pour que l’autre ne la frôlât pas en allant et venant par la chambre, à la recherche de son manuscrit.


À la fin, il s’est frappé le front et a dit :

— Je me rappelle maintenant, c’est en bas.

Il est descendu — à pas de loup — courbant l’échine, le pied traînant, le geste gauche, mais sa prunelle luisant toujours et perçant l’ombre de l’appartement endormi dans le crépuscule.

Les persiennes étaient restées closes ; elle n’avait point levé le crochet quand nous étions entrés, on aurait dit qu’elle ne voulait pas qu’on vît la couleur de ses paroles.


Pendant que nous étions seuls, elle n’a prononcé qu’un mot :