Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/19

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temps d’émeute, qui n’avait jamais crié aux armes, qui n’avait pas été à l’école de l’insurrection et du duel !

J’en suis là — et j’ai trouvé dans ce lycée la tranquillité de l’asile, le pain du refuge, la ration de l’hôpital.


Un des vieux de Farreyrolles, qui avait vu Waterloo, nous contait, à la veillée, que le soir de la bataille, avant qu’elle fût finie, passant devant un cabaret, à deux pas de la Haie sainte, il s’était abattu contre une table de bois, avait jeté son fusil et refusé d’aller plus loin.

Le colonel l’avait traité de lâche.

— Lâche si vous voulez ! Il n’y a plus de Bon Dieu, plus d’Empereur… J’ai soif et j’ai faim !

Et il avait cherché sa vie dans le buffet de l’auberge, au milieu des cadavres ; et jamais, disait-il, il n’avait fait repas meilleur, trouvant la viande savoureuse et le vin frais. Puis il s’était étendu, faisant un traversin de son sac, et avait ronflé au ronflement du canon.


Mon esprit, à moi, s’endort loin du combat et loin du bruit ; le souvenir du passé ne vibre plus dans mon cœur que comme peut vibrer, à l’oreille d’un fugitif, le roulement de tambour qui s’éloigne et qui meurt.

Gibier de garni, obligé, pendant des années, d’accepter n’importe quel trou pour alcôve, et de ne ren-