Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais, en sortant, quelqu’un s’approche de moi.

— Vous avez vraiment fait de la peine à Delescluze, tout à l’heure. Il se figure que vous l’avez visé, désigné même, pendant que vous parliez de ceux qui hésitaient entre Paris et Versailles.

— Et il est furieux ?

— Non, il est triste.

C’est vrai, son masque n’est plus creusé par le pli du dédain ; il y a dans ses yeux de l’inquiétude, et sur ses lèvres détendues de la mélancolie !


Il est dérouté dans ce milieu de blousiers et de réfractaires. Sa République, à lui, avait ses routes toutes tracées, ses bornes milliaires et ses poteaux, sa cadence de combat, ses haltes réglées de martyre.

On a changé tout cela.

Il s’y perd et rôde, sans autorité et sans prestige, dans ce monde qui n’a encore ni un programme, ni un plan — et qui ne veut pas de chef !

Et lui, le vétéran de la révolution classique, le héros de la légende du bagne qui, ayant été à la peine, voulait aussi être à l’honneur, et se croyait droit à deux pouces de socle, voilà qu’il se trouve au ras du sol, et qu’on ne le regarde pas davantage, et qu’on l’écoute peut-être moins que Clément, le teinturier, qui arrive en galoches de Vaugirard.


Je me sens pris d’une respectueuse pitié devant ce chagrin qu’il ne peut cacher. On souffre à le voir