Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est que j’ai gardé tout mon sang-froid, et que, pour faire trou dans ces cervelles, j’ai emmanché mon arme comme un poignard de tragédie grecque, je les ai éclaboussés de latin, j’ai grandsièclisé ma parole, — ces imbéciles me laissent insulter leurs religions et leurs doctrines parce que je le fais dans un langage qui respecte leur rhétorique, et que prônent les maîtres du barreau et les professeurs d’humanités. C’est entre deux périodes à la Villemain que je glisse un mot de réfractaire, cru et cruel, et je ne leur laisse pas le temps de crier.


Puis il y en a que je terrorise !

Tout à l’heure, je venais de crever un de leurs préjugés avec une phrase méchante comme un couteau rouillé. J’ai vu toute une famille s’étonner et se récrier, le père cherchait son pardessus, la fille rajustait son châle. Alors, j’ai dirigé de ce côté mon œil dur, et je les ai cloués sur leur banc d’un regard chargé de menaces. Ils se sont rassis épouvantés, et j’ai failli pouffer de rire.


Mais il est temps de conclure ; il me faut ma péroraison, je la brûle !

L’aiguille a fait son tour… Je viens de finir mon heure et de commencer ma vie !


On a parlé de moi, pendant vingt-quatre heures, dans quelques bureaux de journaux et quelques