Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/98

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deux cents lignes !… Elles me désignent à la calomnie et à la mort !


— Elles vous désignent au peuple aussi ! m’a dit un vieil insurgé, en me prenant le poignet et avec un éclair dans les yeux. Tenez bon, nom de Dieu ! et, aux jours de révolution, c’est vous que le faubourg appellera ; c’est eux qu’il collera au mur ! Rappelez-vous ce que je vous dis là, citoyen !


Tenir bon ! Oh ! si j’avais seulement la miche assurée, la chemise blanche, un galetas, l’ordinaire de la crémerie, — cent sous de rente par jour !

Je ne les ai pas !

Il va falloir gagner sa vie à tripoter encore les livres, à compiler les vieux, à pondre des œufs de cane pour les faiseurs de dictionnaires, qui, moyennant dix centimes la ligne, prendront le droit de m’humilier à plaisir, de me faire stationner dans l’antichambre, de hocher la tête en brocanteurs qui déprécient la marchandise qu’on leur apporte… surtout quand celui qu’ils exploitent est un failli du succès.

Oh ! mieux vaudrait casser des pierres sous le grand soleil !


— Je t’écoute ! m’a crié Landriot, qui a lâché la Normale pour être secrétaire d’un gros bonnet de la Sorbonne, lequel a claqué et l’a laissé dans la panne.