Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/107

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après dix jours, le couvercle de mon tombeau. Je rentre fortifié par le supplice ! Ils ont cru m’abattre, ils m’ont bronzé. Ombre du divin Marat, je te jure que je n’ai pas faibli ! »

Il est même un peu plus boulot qu’auparavant, il me semble. Je le lui fais remarquer avec plaisir.

« Graisse de prison, dit-il avec un sourire amer et en hochant la tête ; — c’est soufflé, tiens, tâte, c’est soufflé ! Pourvu que ça ne me gêne pas pour la lutte ! »


Un groupe particulier a pris place à nos côtés : celui qui avait pour guidon, dans la cour de la Sorbonne, le béret du blond au front large, aux beaux yeux gris.

Ils m’ont remarqué, paraît-il, quand, détaché des miens, j’ai, sans consigne, par fureur, sauté sur les Saint-Vincent qui applaudissaient. Nous nous sommes trouvés côte à côte dans cette bagarre.

Au Dépôt, ils ont fait connaissance avec Matoussaint, ils ont partagé le fromage et le saucisson, rompu le pain noir de l’amitié, et quand Matoussaint sort du tombeau, il les invite à dîner avec nous — à la fortune du pot !

— Disons, m’écriai-je en faisant allusion à la résurrection de Matoussaint et à son image biblique : Au Lazare de la fourchette !… Le calembour n’empêche pas les convictions ! Qu’en dis-tu, Béret rouge ?… On se tutoie, n’est-ce pas ? Vive la Sociale !