Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/171

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Je ne puis pas même me lever de table quand j’ai fini la part qu’on m’a donnée. Un jour mon père m’a dit :

« C’est impoli de partir ainsi, on ne va pas digérer si vite ! »

Il faut à tout prix que je trouve une besogne à faire.

J’y mets du courage. Je m’adresse à d’anciens camarades, en leur demandant s’ils n’ont pas des parents, des amis, grands ou petits, à qui je pourrais donner des leçons.

Ils rient ! — Il y a trop peu de temps que j’ai été élève, que je faisais des farces avec eux et que je blaguais le latin ! L’un d’eux, cependant, me présente, à la fin, à son père, qui me déniche une répétition. Ils ont été séduits par le bon marché.

« Vous me donnerez ce que vous voudrez », ai-je dit.


J’ai même ajouté que c’était pour m’occuper, plutôt que pour gagner de l’argent, et il est entendu que moyennant vingt francs par mois j’enseignerai, une heure par jour, un petit mulâtre dont le père de mon camarade est le correspondant. Il me paiera vingt francs et en comptera peut-être cinquante à la famille ; c’est ce qui m’a fait avoir la répétition, probablement.

Je repasse mon Burnouf, je prends un Conciones dans la bibliothèque de mon père, et je vais donner ma leçon au mulâtre.


Je reviens — c’est l’heure du dîner. — Ma mère