Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je me sens à peine libre aujourd’hui dans cette chambre trois fois plus grande, où je puis faire les cent pas.

C’est que je suis plus vieux, c’est que j’ai déjà été mon maître dans Paris !

Hôtel Riffault, je sortais du collège : voilà tout, aujourd’hui j’entre dans la vie.

Maintenant, c’est pour de bon, mon garçon !


J’ai de l’argent, heureusement ! — Courons après les camarades !

Nous irons à Ramponneau prendre des portions à dix sous, boire du vin à douze… je demanderai le cabinet qui donnait sur le jardin et où l’on met des nappes sur la table. Tant pis si les purs se fâchent !

Nous appellerons par la fenêtre la marchande de noix et la marchande de moules. Nous mangerons des moules tant que nous voudrons.

Je m’étais toujours dit : — « Dès que tu auras de l’argent, il faudra que tu te paies des moules jusqu’à ce que tu gonfles ! »

Nous allons tous gonfler, si ça nous fait plaisir.

Ohé ! la marchande de moules !

Je demanderai du veau braisé — je n’ai jamais mangé mon content de veau braisé.

Nous filerons vers Montrouge sous le hangar où l’on buvait le vin à quatre sous. Nous en boirons pour cinq francs ! On invitera les carriers du voisinage !…


Je tombe dans la rue sur un de nos anciens condis-