Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/282

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dans la promenade en queue de cervelas, au fond des lugubres centrales.


American Bar.

Nous avons été promener nos beaux habits sur les boulevards. Il y a un bar américain, près du passage Jouffroy, où la mode est d’aller vers quatre heures.

Des boursiers, à diamants gros comme des châtaignes, des viveurs, des gens connus, viennent là parader devant les belles filles qui versent les liqueurs couleur d’herbe, d’or et de sang. Ils font changer des billets de banque pour payer leur absinthe.

Je ne déplais pas, paraît-il, à ces filles.

« Il a l’air d’un terre-neuve », a dit Maria la Croqueuse.

Je croyais que c’était une injure ; il paraît que non !…

Avant les habits Caumont, j’avais l’air d’un chien de berger, d’un caniche d’aveugle, d’un barbet crotté auquel on avait coupé la queue. — Un homme vêtu de bric et de broc a l’air aussi bête qu’un chien à qui l’on a coupé la queue tout ras. Je paraissais avoir la maladie, on m’aurait offert du soufre. Maintenant, je suis un terre-neuve, un beau terre-neuve…

« Et pas bête », ajoutent quelques-uns en faisant allusion à mes audaces de conversation.

Pas bête ? — Mais si demain j’avais de nouveau la redingote à la doublure déchirée, la cravate