Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/352

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mes boyaux grognaient ! Je venais de rater un ami qui avait crédit dans une gargote de la banlieue.

Quelqu’un passa juste au moment où je me penchais : je partis comme un voleur. J’aurais peut-être bien été accusé de vol, si j’avais été surpris un instant plus tôt.


Ah ! tant pis, je prendrai la vache enragée par les cornes !

C’est ma vie en garni qui me fait le plus souffrir. Je suis là souvent avec des voyous et des escrocs.

L’autre matin, des agents en bourgeois sont entrés au nom de la loi dans mon taudis, et m’ont cerné sur mon grabat comme coupable de je ne sais quel crime.

Ils s’étaient trompés de porte. C’était mon voisin qui avait volé ou violé. Il était chez lui ; il chantait.

On a reconnu sa voix, ce qui a fait reconnaître mon innocence ! Mais que le scélérat les eût entendus monter, qu’il eût descendu l’escalier à la dérobée, j’avais beau me débattre, on m’emmenait !

J’ai écrit à mon père, je lui ai conté l’aventure, et je lui ai demandé l’aumône :

« Avance-moi le prix d’un petit mobilier, de quoi meubler comme une cellule, un coin où je vivrai à l’abri de ces hasards. J’ai trouvé une chambre pour 80 francs, rue Contrescarpe. On veut le terme d’avance ; je te le demande aussi. Mais, je t’en prie, fais ce sacrifice qui m’épargnera bien des douleurs et des dangers ! »