Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/354

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Et je n’ai rien su de cela ! Ni lui ni ma mère ne m’en ont rien dit !

« C’est que, voyez-vous, a répondu le vieillard, le lendemain a été arrosé de larmes ! Votre père est parti seul… Votre mère est retournée chez elle, dans votre pays, où je l’ai vue, il n’y a pas trois semaines, bien changée, mon ami !… Elle vit là comme une veuve, entre le portrait de son mari et le vôtre… J’ai assisté à la scène de séparation… C’était à qui se demanderait pardon.

— C’est moi qui suis coupable ! criait-elle en se mettant à genoux.

— Non, c’est moi que ma vie de professeur a rendu fou et mauvais…

— Nous pouvons être heureux encore, répondait votre mère. N’est-ce pas ? répétait-elle, se tournant vers moi, et me consultant de ses yeux rougis. »

Et je dois vous dire que j’ai baissé la tête et ai répondu non ! J’ai répondu non : parce que votre père est fou de celle à propos de laquelle le scandale a éclaté. Il la reprendra : il l’a déjà reprise… Honnête homme qui a l’air de commettre un crime… Mais il avait une nature d’irrégulier, et le hasard l’a mis dans un métier de forçat, en lui donnant pour compagne votre mère trop paysanne pour une âme haute et meurtrie. Je connais cela, moi qui ai souffert, qui ai aimé… sans qu’on le sache… Eh bien, oui, parce que j’avais passé par là, parce que j’étais au courant de toute l’histoire, j’ai conseillé la séparation ! Votre mère n’aurait pas fait de scandale, tout en