Dans le calme immense de la nuit, au milieu de la rue déserte, c’était si triste !
Je suis parti ; parti sans retourner la tête…
C’est qu’il est mon égal par l’éducation et l’habit ! c’est qu’il en sait autant que moi — plus, peut-être !
Et il marche, le ventre creux, l’œil hagard… Il marche et la mort ne lui fait pas l’aumône, elle ne lui tord pas le cou !…
Son cœur continue à battre, son cerveau las pense encore — et ce cœur et ce cerveau n’ont rien trouvé pour l’aider à ne pas crever comme un chien — non : rien trouvé, que la mendicité, la mendicité en larmes !
J’aurais dû lui parler, lui prêter mon bras, l’aider à se soutenir sur le pavé ! J’ai craint d’attraper sa fièvre, celle des poitrinaires et des mendiants…
Le soir, j’ai conté l’histoire aux camarades.
On n’a point frémi de mon frémissement, on a même blagué ma sensibilité et ma frayeur.
L’un des assistants qui vit avec mille francs de rente et qu’on appelle le Tribun, parce qu’il a parfois des gestes et des souffles d’éloquence, a souri amèrement :
« Que diriez-vous d’un marin qui passerait toute sa vie à plaindre les naufragés et qui aurait l’air de supplier l’océan de ne pas porter l’agonie de tant de victimes ! »
« Votre chambre est encore libre », m’a-t-il été répondu à mon ancien hôtel quand j’y suis rentré le matin.