Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/382

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Il faut faire son deuil du linge blanc étalé exprès, de la toilette organisée à grand-peine, et redescendre vers Paris pour revenir ici demain, si j’en ai le courage.

Ah ! j’aimerais mieux me battre en duel, passer sous le feu d’une compagnie — je marcherais droit, je crois ; tandis que je reviens le lendemain, tout gauche et tremblant de peur !

« M. Bonardel ? »

Même réponse qu’hier.

« J’ai quelque chose de très pressé à lui dire. »

Le concierge m’écoute, il me demande mon nom…

« Monsieur Vingtras.

— Vous dites ? »

Il me fait répéter ; je réponds timidement — il entend Vingtraze — je n’ai osé appuyer sur l’s, j’ai escamoté l’s qui est une lettre dure, pas bonne enfant.

« Avez-vous votre carte ?

— Je l’ai oubliée. »

Ce n’est pas vrai, je n’ai pas de cartes — pourquoi en aurais-je ? — et je n’ai pas pu trouver un carré de carton pour en faire une ce matin.

L’homme ne s’y trompe pas et m’enveloppe d’un regard de mépris, tout en montant le grand escalier qui conduit sans doute au cabinet de M. Bonardel.

Je ne serais pas plus ému si j’attendais la décision d’un tribunal. J’écoute les pas qui sonnent, la porte qui grince, l’écho triste.

Deux voix !… on parle… le concierge redescend.