Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/90

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la place. La nouvelle a couru de bouche en bouche. D’ailleurs, nous avons fait demander des députés républicains.

Il n’en vient pas ; il pleut trop ! Ils veulent bien mourir fusillés, mais pas noyés.


Tout d’un coup, cependant, un cri s’élève :

« Crémieux ! Crémieux ! »

Ma foi oui, c’est Crémieux qui arrive — l’avocat Crémieux.

Il s’appuie sur le bras d’un homme jeune, modeste et frêle, qui est aussi, assure-t-on, représentant du peuple ; on l’appelle Versigny.

Ils approchent, le pantalon retroussé.


Matoussaint va à eux, ouvre son paletot et retire la pétition qu’il avait mise sur sa poitrine ; malheureusement la pluie a traversé son paletot et la pétition est toute verte ; le vêtement de Matoussaint est couleur d’herbe et il a déteint sur le papier. On ne peut rien lire, mais Matoussaint sait la pétition par cœur, il la récite.

Le jeune représentant paraît vouloir répondre !

Non, il remue le nez, les lèvres et éternue. Il dit :

« Atchoum ! » seulement.

« Citoyen, reprend Matoussaint en allant à Crémieux, je ne vous demande pas de m’embrasser. »

Oh, non ! Il est trop mouillé.

« Mais je vous demande une poignée de main que je transmettrai à toute la jeunesse des écoles. »