Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
DEUX AUTRES.

C’est que Cressot se piquait de gentilhommerie et d’élégance…

Vêtu, il l’était de façon à faire sourire ; sur ce long corps qui n’en finissait plus, on voyait collé, par les jours de soleil ou de neige, un habit noir à queue maigrelette, qui avait l’air de la veste à pans courts des lanciers. Ses genoux s’entre-choquaient dans les plis d’un pantalon couleur de dent malade, et un tuyau de poêle rougi par l’âge, cassé par la vie, surmontait tout énervé sa tête en délire !

C’était Gringoire, mais c’était aussi Brummel. Il n’avait pas de semelles à ses souliers, mais avait toujours des gants aux mains. L’hiver, il jetait sur son dos, en plis hardis, comme un plaid d’Écosse, le tapis sur lequel le matin il crispait ses pieds ; et, en été, les jours de course, couvert de poussière, râpé, jaunâtre, il mettait, comme messieurs du club, un voile vert à son chapeau.

Avec une désinvolture de dandy, il jouait d’un jonc à 22 sous, et, quand son tic le laissait libre, il badinait à la Lauzun, caressant les mentons des maritornes et chiffonnant les collerettes. Il avait la moustache en croc et l’ongle en cuillère à sauce. Il disait « le guet » pour parler des sergents de ville, et « ces manants » pour désigner les fournisseurs.

Il avait toutes les grâces d’un galant homme avec tous les malheurs du monstre.

Cressot est mort le jour où la misère l’a lâché ; il est mort parce que son corps, habitué à la souf-