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LES RÉFRACTAIRES.

homme ordinaire ou phénomène, doit avoir quelque part, à deux pouces ou deux cents pieds au-dessus du sol, au rez-de-chaussée ou au neuvième étage, au moins un coin, une niche, un trou où se loger, un grabat, une malle, un tonneau, un cercueil.

Oh ! les angoisses des nuits blanches, qu’ils appellent, eux :


LES NUITS NOIRES


Le lit a fui ; on n’a voulu le coucher nulle part, le réfractaire : l’un a dit qu’il avait sa femme ; chez l’autre, on ne l’a pas laissé monter.

Il s’en va rôdant à la porte des cafés, brasseries ou bouges que la police garde ouverts pour y ramener son gibier ; espérant toujours trouver un abri. Mais rien ne vient : les étudiants ont pris leur dernière chope, le verre de vieille ; ils sortent, se cognent un peu et rentrent. Le silence se fait, et l’on n’entend que le pas dur des sergents de ville, qui battent le pavé en causant bas. Encore cinq heures à passer ; les heures, ces éternelles ennemies qu’il faut voir mourir, qu’il faut tuer dans l’ombre, sans que la police entende !

Quand apparaissent les agents en burnous noir, le réfractaire doit trouver la force de hâter le pas, prendre une allure honnête, l’air pressé ; si c’est la seconde fois qu’ils le rencontrent, chantonner un